Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, dernièrement, montrait un homosexuel en train d’être battu par des jeunes. Interpellé par ces derniers sur les raisons de son orientation sexuelle, sa réponse était sans équivoque : « j’étais victime des assauts répétés de mon oncle qui abusait de moi sexuellement dès le bas-âge ». Prétexte pour Seneweb de s’intéresser aux causes de l’homosexualité au Sénégal dans un contexte où des voix s’élèvent pour exiger la criminalisation ce phénomène.
Au Sénégal, quand un garçon est efféminé, on parle de « yarou-jigeen », on rejette la faute à la mère dont on pointe la négligence. Madame Ngoné Fall, mère au foyer, nous parle de l’expérience qu’elle a vécue dans son quartier. « Il y a un garçon très mou qui vit à côté de chez moi dans la banlieue. Il a fini par prendre l’habitude de se comporter comme une fille. Car, il n’y a presque pas d’hommes chez lui. Il ne vit qu’avec sa mère, sa grand-mère et ses frères et sœurs, le père est à l’extérieur. A un certain moment, sa mère l’a envoyé chez son frère (l’oncle du garçon mou). Mais dès son retour, il n’y a eu aucun changement, il est resté tel qu’il était », a-t-elle raconté.
Quant à Saliou Diop, commerçant, il déplore la négligence de certains parents. Selon lui, « les parents doivent être très vigilants. Dans la maison familiale ou parmi les voisins, il peut y avoir des personnes qui ont des vices que tu peux ne pas savoir. Ils peuvent très bien cacher leur vice. Le mieux serait que les hommes mariés prennent leurs responsabilités. Après s’être marié, il vaudrait mieux déménager de la maison familiale afin de mieux éduquer ses enfants. Si on n’a pas les moyens de se payer un appartement, il faudra alors être très attentif ».
Joint au téléphone par Seneweb, Docteur Mouhamadou Mansour Dia, enseignant-chercheur en sociologie à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) apporte des précisions. « J’ai parfois entendu dire que la femme n’éduque pas. Moi je dis le contraire. Essayez d’analyser les personnes ici au Sénégal qui ont vraiment réussi sur le plan social, sur le plan professionnel. Je pourrais dire que plus de 80% de ces personnes sont éduquées non pas par leur père mais par leur mère. La vraie éducation, la bonne éducation est la plupart donnée par la mère. Il faut essayer de prendre des personnes comme ça, prendre le récit de vie de ces personnes bien éduquées. Vous verrez que l’influence de la mère de ces personnes est très déterminante dans la réussite de leurs enfants », a-t-il fait savoir, prenant l’exemple de Sokhna Astou Kane, la mère de Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum, qui, selon lui, « a eu une influence très déterminante sur l’éducation de Serigne Cheikh. On pourrait même dire que c’est elle qui s’est occupée de l’éducation religieuse de ses enfants ».
Selon le sociologue des religions, « la part de la mère est plus que déterminante dans l’éducation, elle est même plus déterminante que la part du père. Seulement dans toutes choses il y a des exceptions ».
« L’individu a ses propres intentions, ses propres motivations »
Pour cerner les causes de ce phénomène, l’universitaire estime que « la pratique de l’homosexualité au Sénégal est assimilée non pas au milieu social d’origine de l’individu, de la personne mais ce que l’on pourrait appeler en sociologie ou psychologie les milieux de références. Quand je dis les milieux de références, c’est les milieux qu’une personne peut fréquenter ». Allant plus loin, Dr. Dia explique : « Je suis étudiant, je suis peut-être dans des syndicats ou dans des clubs, très souvent il y a des gens qui adoptent ces genres de pratiques parce que tout simplement les personnes qu’ils fréquentent c’est-à-dire les milieux de référence peuvent faire la promotion de ces genres de pratiques. Il y a des lobbies, c’est des lobbies…. Ils veulent une promotion sociale ou professionnelle, ils fréquentent ou bien il intègrent certains milieux. Ces genres de milieu peuvent faire la promotion de l’homosexualité ou de certaines pratiques ».
Il rappelle en outre qu’on dit très souvent que l’individu est un produit de son milieu social, mais, il faut aussi reconnaître que l’individu n’est pas aussi passif qu’on le pense. « Il est doté d’un libre arbitre. L’individu a sa propre rationalité, il a ses propres intentions, ses propres motivations. Parfois, nos motivations peuvent être différentes de celles de nos milieux sociaux d’origine. Mais les intérêts peuvent être différents des intérêts de mon milieu social d’origine, de ma société. Il n’est pas dit que je dois exactement être ce que la société a fait de moi », a souligné Dr. Dia qui donne l’exemple des enfants qui proviennent de familles dites dignes. « Combien de fils d’homme dignes éduqués dans de très bonnes sociétés sont devenus des criminels, des délinquants, des voleurs? Pourtant le milieu social dans lequel l’individu a été socialisé n’est pas un milieu dans lequel ces genres de pratiques sont valorisées », a expliqué l’enseignant-chercheur. Avant d’ajouter : « Aujourd’hui, qu’on le dise ou pas, il y a des fils de marabouts qui sont des voleurs ou des délinquants, peut-être même des francs-maçons ou des homosexuels. Bref vouloir tout assimiler à la famille ou au milieu social de l’individu ce serait un jugement un peu facile ou subversif ».
source seneweb