Dans les rues animées de la Médina, là où les effluves de grillades chatouillent quotidiennement les narines des passants, une affaire troublante vient de salir le mythe des « Dibi Haoussa ». Deux hommes, Issa Abibou (22 ans) et Kader Aboubacar (28 ans), tous deux originaires du Niger, ont été déférés au parquet après avoir été pris la main dans le sac… ou plutôt dans le chat.
C’est le 13 mai dernier que la scène, aussi surréaliste qu’abjecte, s’est déroulée. Lors d’une opération de sécurisation dans les ruelles du quartier menée par les agents du commissariat du 4e arrondissement, les policiers repèrent deux hommes en train de poursuivre un chat domestique. Ils observent la scène : l’un des individus capture l’animal, l’égorge froidement en pleine rue, et glisse le corps dans un sac. Un geste barbare, exécuté sans détour.
Interpellation immédiate.
Conduits au poste, les deux suspects affirment d’abord qu’il s’agit d’un rituel mystique. Mais cette version ne tient pas face à la détermination des enquêteurs. Les deux hommes finissent par avouer : ils tuaient des chats pour les vendre comme viande de brochette à plusieurs vendeurs de « Dibi Haoussa », ces grillades populaires dans les quartiers de Dakar.
Un scandale sanitaire et moral
Dans un pays où la viande de chat est interdite à la consommation, l’indignation est générale. La confiance populaire dans la street food vient de recevoir un énorme coup de poignard. Des centaines de consommateurs, qui pensaient savourer de la viande de bœuf ou de mouton à petit prix, se découvrent peut-être consommateurs involontaires de viande impropre et haram.
La loi sénégalaise est pourtant claire. L’article 426 du Code pénal punit d’un à six mois d’emprisonnement quiconque tue un animal domestique sans nécessité. À cela s’ajoute la vente de denrées non conformes aux normes sanitaires, un délit lourd aux conséquences sanitaires et judiciaires.
Issa Abibou et Kader Aboubacar, aujourd’hui entre les mains de la justice, ne sont peut-être que la partie émergée d’un iceberg plus profond. Le parquet devra déterminer s’ils ont agi seuls ou s’ils faisaient partie d’un réseau plus vaste.