Révélations sur un échange téléphonique vif entre Ousmane Sonko et Khalifa Sall «Débrouillez-vous seuls avec votre connerie !»

by amadou

Khalifa Ababacar Sall et Barthélemy Dias ruminent leur colère. Le mercredi 11 mai 2022, Khalifa Ababacar Sall a joint Ousmane Sonko au téléphone, pour lui demander de sonner la mobilisation des militants en vue d’apporter un soutien à Barthélemy Dias qui se trouvait encore devant les locaux de la Direction générale des élections.

En effet, le maire de Dakar voulait forcer son entrée dans les locaux pour chercher à modifier la liste déposée par la coalition Yewwi askan wi (Yaw) en vue des élections législatives du 31 juillet 2022. Cette liste risquait d’être frappée de vice pour cause de non-respect de la loi sur la parité hommes/femmes, pour les investitures au niveau de la circonscription électorale de Dakar. Sur le coup, Ousmane Sonko, qui se trouvait à Ziguinchor, n’avait pas voulu poursuivre la discussion, alléguant être occupé par une activité de sa mairie. Khalifa Ababacar Sall n’arrêtera pas pour autant de chercher à lui parler séance tenante. Mais le leader de Pastef déclina tous les appels intempestifs et insistants de son allié politique. Khalifa Ababacar Sall se sentit snobé et demanda à un autre collaborateur d’essayer de joindre Ousmane Sonko. Et miracle, le maire de Ziguinchor décrocha sans aucune difficulté, mais n’accepta pas qu’on lui passe Khalifa Sall au téléphone. C’était suffisant pour mettre ce dernier et son poulain, Barthélemy Dias, dans tous leurs états ! Mais le plus dur pour eux était à venir.

Ousmane Sonko à Khalifa Sall : «Débrouillez-vous seuls avec votre connerie !»

Ce sera finalement aux environs de 21 heures que Ousmane Sonko se décida à rappeler Khalifa Ababacar Sall. Mais Ousmane Sonko se voudra catégorique, répondant sèchement à son interlocuteur qu’il ne sonnera aucune mobilisation, encore moins ne se prononcera sur ce différend entre la coalition Yaw et l’administration en charge de l’organisation des élections. Il l’apostropha : «Vous avez fait vos conneries. Débrouillez-vous seuls. Je ne me mêle pas de ça !» Informé de la position de Ousmane Sonko, Barthélemy Dias piqua une colère noire et s’emballa dans les invectives et menaces. Il s’estime trahi par Ousmane Sonko. Seulement, trahison pour trahison, les «Pastéfiens» n’ont pas digéré que Khalifa Ababacar Sall leur ait fait un bébé dans le dos, en substituant une candidature féminine présentée par leur parti, par celle d’un homme, en l’occurrence Palla Samb, un responsable de Taxaawu Senegaal, l’entité politique dirigée par Khalifa Ababacar Sall. La pilule s’avère si difficile à avaler pour Ousmane Sonko que Cheikh Tidiane Dièye, réputé très proche de lui, se fendit, dans un groupe interne de Yaw regroupant les membres de la conférence des leaders de la coalition, d’un texte au vitriol pour accuser et tancer vertement Khalifa Ababacar Sall. Et comme par le plus grand des hasards, le texte du Dr Cheikh Tidiane Dièye s’est retrouvé publié, le 13 mai 2022, par Dakaractu, entre autres sites d’informations. Il s’est montré féroce en soulignant la responsabilité personnelle de Khalifa Ababacar Sall et de ses proches, quant au risque d’invalidation de la liste de Yaw pour le département de Dakar, indiquant que «le plus important pour eux était les places plutôt que le respect de la loi». Il est étonnant que Yaw parle de tripatouillage hostile de sa liste, que cette coalition avait du reste publiée avant que l’indélicatesse de la parité ne soit relevée pour leur être opposée.

La «casserolade» des frustrés de Yaw et Wallu

Ils sont tous frustrés par les investitures effectuées par leur coalition en direction des élections législatives et ont tenu à se faire entendre avec virulence. Cheikh Bamba Dièye, Moustapha Guirassy, Aminata Lô, Mansour Sy Djamil, Me Moussa Diop, Mamadou Lamine Thiam, Hamidou Datte, ont fait des tirs groupés contre leur coalition, Yaw, pour dénoncer la «trahison des fondements de la coalition, avec un esprit tortueux, inique et hégémonique qui n’est pas tolérable dans une coalition qui a réveillé l’immense espoir d’un avenir radieux pour tous les Sénégalais». Ainsi, refusent-ils de cautionner «cette dérive qui heurte l’éthique politique et la solidarité». Ces leaders politiques, frustrés par leurs positions respectives sur les listes d’investitures, qui ne leur conviendraient le moins du monde, prédisent que «demain au pouvoir, cette dérive sera la source de beaucoup de désagréments du type népotisme, clientélisme et corruption».

En effet, les frondeurs insistent qu’un «esprit stalinien, clanique, de copinage» a fait qu’une «minorité s’est arrogé la totalité des postes électifs». Madiop Diop, le maire du quartier Grand-Yoff, fief politique principal de Khalifa Sall à Dakar, a préféré se retirer de cette coalition pour protester contre le sort injuste qui lui serait réservé. Est-il besoin de rappeler que de telles appréhensions avaient poussé Thierno Bocoum, par exemple, à quitter la coalition Yaw avant même les investitures. Babacar Diop, maire de Thiès, et Alé Guèye, responsable de Yaw à Bakel, ruent, eux aussi, dans les brancards. Le syndicaliste enseignant Dame Mbodji étale sa frustration sur les plateaux des chaînes de télévision. Le silence de Elhadji Malick Gakou du Grand parti est bavard. Se tairait-il pour garder sa dignité ou pour ne pas avouer s’être fourvoyé dans son jeu politique ?

Dans les rangs de Pastef également, de nombreux militants fulminent, considérant que les «bonnes» places, qui devraient leur revenir, ont été cédées à des alliés qui ne pourraient pas leur apporter une contribution déterminante pour une victoire électorale. Cette guerre des places a pu faire apparaître, au grand jour, une guéguerre sourde entre des proches de Ousmane Sonko et ceux de Bassirou Diomaye Faye. D’ailleurs, cette situation, qui provoque un véritable malaise au sein de Pastef, tend à prendre les contours d’une autre guéguerre dramatique entre les associations estudiantines «Kékendo» et «Ndef leng», qui avait fini par se solder par de violentes échauffourées à l’université de Dakar. Abass Fall, adjoint au maire de Dakar et responsable de Pastef, fait également l’objet de vives contestations de la part de ses camarades de parti qui l’accusent de préparer un agenda politique avec Barthélemy Dias.

La coalition Wallu Senegaal, dirigée par l’ancien Président Abdoulaye Wade, n’est pas épargnée par les divisions. Des responsables notoires du Pds comme Mayoro Faye (Saint-Louis) et l’ancien président du groupe parlementaire libéral, Serigne Modou Bara Dolly, se disent «humiliés» par leur investiture au niveau des bas-fonds des listes de leur coalition. Pour trouver un semblant d’unité ou une locomotive, Wallu Senegaal a, une fois de plus, investi Abdoulaye Wade comme tête de liste, même si tout le monde sait que l’ancien Président du Sénégal ne siégera pas comme député.

La foire d’empoigne a aussi gagné toutes les autres coteries politiques de l’opposition. Amsatou Sow Sidibé crie à la trahison du fait du journaliste Pape Djibril Fall, qui se serait barré avec ses listes de parrains, sans lui donner les positions convenues sur les listes des candidats investis. La coalition Bunt bi, après avoir exclu le député Théodore Monteil, fait face à des remous. Certains de ses membres sont accusés de la vente, au prix fort, de places sur les listes. En outre, Abdoul Wahab Bengelloun vient de quitter, avec fracas, la coalition Aar Senegaal, disant que les leaders l’ont accusé d’être «un pro Lgbt».

L’alliance électorale «stratégique» conclue entre Yaw et Wallu Senegaal, qui consiste à faire listes communes au niveau des circonscriptions départementales, se révèle chancelante. Les partisans de Ousmane Sonko avaient vite fait de crier à la trahison, au coup fourré de Abdoulaye Wade contre leur leader, dès qu’ils avaient appris que la coalition Wallu Senegaal risquait l’invalidation pour défaut de parrainages valides suffisants. Finalement, ils s’accusent tous de s’être trahis les uns les autres !

La belle pagaille au Sénégal si l’opposition remporte la majorité aux Législatives prochaines

La situation qui traverse l’opposition devrait être source d’enseignements. Combien de fois avons-nous alerté, à travers ces colonnes, de l’impossibilité des leaders de l’opposition au régime de Macky Sall de pouvoir travailler pour un objectif politique commun ? Nous avions prévenu que les problèmes d’ego et les agendas personnels sont incompatibles avec une large unité de l’opposition qui nous apparaissait comme «un serpent à sept têtes». Mieux, nous disions, le 6 septembre 2021, que Macky Sall ne devrait pas trop craindre d’une alliance entre Ousmane Sonko et Khalifa Sall. Nous avions en outre considéré, dans une autre chronique du 26 octobre 2021, que le regroupement politique fait autour de Ousmane Sonko va révéler fatalement «les dindes et dindons de Pastef». Nous soulignions notamment à l’endroit de l’opposition que «l’ego est sûrement l’un des pires ennemis de la vie politique sénégalaise, l’absence de démocratie interne et son fonctionnement au style de sociétés unipersonnelles en disent long sur cet esprit». La situation tourne en quelque sorte à un «Lambi golo», un de nos jeux d’enfants villageois, un spectacle où chaque acteur, dans un périmètre bien défini, s’évertue à faire tomber l’autre et qu’en fin de compte, personne n’aura à se proclamer vainqueur.

Au demeurant, les profondes divisions, apparues à la suite des investitures aux prochaines élections législatives de juillet 2022, devraient interpeler tout électeur. En scellant ce qu’ils appellent une alliance stratégique, les responsables de Yaw et Wallu Senegaal annonçaient que leur trouvaille a pour vocation d’imposer une cohabitation au président Macky Sall.

Seulement, si d’aventure ils arrivent à obtenir la majorité parlementaire au lendemain du scrutin du 31 juillet 2022, ces opposants qui se déchirent, s’invectivent pour ne pas dire s’étripent, pour des positions sur les listes d’investitures, s’entendront-ils sur le nom d’un Premier ministre et/ou d’un président de l’Assemblée nationale et sur les noms des membres d’une équipe gouvernementale ? Ce sera bonjour la pagaille. La confusion serait encore plus grande que les coalitions électorales apparaissent comme de vulgaires conglomérats de personnalités politiques, sans aucun lien structurel ou un accord politique de gouvernement ou sur un programme quelconque.

En effet, la formule est toute simple, se mettre ensemble pour obtenir le maximum de sièges de députés et on verra après. Peut-être aussi qu’ils ont conscience de ne pas pouvoir remporter la majorité ou ont fini de mesurer les limites de leurs capacités de performance, au point que chacun revendique la place dans le plus haut du tableau des listes.

Pendant ce temps, force est de dire que le camp du président Macky Sall travaille à renforcer inexorablement ses bases. La coalition Benno bokk yaakaar (Bby), mise en place depuis le second tour de l’élection présidentielle de 2012, demeure et se renforce, d’une élection à une autre, avec l’arrivée de nouvelles formations et personnalités politiques d’envergure. On ne sait encore si les démons de la division ne vont pas visiter le camp du président Macky Sall après la publication complète des listes des investitures de Bby, mais pour le moment, la situation apparaît sous un relatif contrôle. C’est une raison suffisante, pour Macky Sall, de vanter le record de longévité de sa coalition dans toute l’histoire politique du Sénégal.

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